Marie-Claire Caloz-Tschopp, université de Lausanne, Institut d’études politiques internationales (UNIL-IEPI) et Solidarité sans frontières (Suisse)
Je dédie mon article aux 73 migrants érythréens morts sans secours aux frontières italiennes après trois semaines de dérive en mer (août 2009) ;
aux quatre migrants subsahriens tués par balles par des gardes-frontières égyptiens à la frontière entre l’Egypte et Israël le 9 septembre 2009 ; aux personnes qui ont pris le risque d’endurer le délit de solidarité.
Résumé : la migration est un laboratoire d’observation des transformations du pouvoir, de la guerre. Elle est un des terrains privilégié de nouveaux défis pour la connaissance et la citoyenneté. Dans la première partie, la mondialisation-démondialisation vue depuis une anthropologie philosophique permet de s’étonner de la banalisation de la violence, des attaques de tout cadre politique, du délitement des droits observables dans les politiques migratoires entre l’UE et le « sud » qui conduit à formuler des questions et à réorienter la recherche. Dans la deuxième partie, l’assimilation de la politique à la guerre est abordée à la fois depuis la banalisation théorique de l’apartheid, des fantômes du XVIIIe siècle (Napoléon, Hegel, Clausewitz) qui pèsent sur les théories de la guerre au XXe siècle. Des analyses du philosophe allemand Günther Anders sur l’obsolescence de l’homme, la menace d’un globocide, et l’indifférence, haine froide bureaucratico-technique permettent de mieux situer des enjeux du débat sur le paradigme économico-politique destruction-création dominant aujourd’hui et d’interpréter des tendances des politiques migratoires. Dans la troisième partie, deux ambiguïtés théoriques à dépasser sont analysées pour résister à la guerre et récupérer la politique. Il devient alors possible de distinguer guerre et politique, guerre et conflit démocratique aux frontières, haine raciste et colère émancipatrice pour formuler des pistes de recherche et d’action pour le mouvement social dont fait partie l’UOM. Le courage nécessaire pour libérer la puissance de résistance et de création politique implique de redécouvrir le pouvoir d’émancipation, de création. Dans la quatrième partie, des remarques sur les droits de l’homme sont formulées pour lever des confusions possibles dans les débats de l’UOM à ce sujet.
Mots-clés : globalisation, mondialisation, démondialisation, capitalisme total-libéral, migration, pouvoir, guerre, connaissance, citoyenneté, université, colonisation, histoire du XXe siècle, mouvement des populations, apartheid, biopolitique, sécurité, sécuritaire, ambiguïté théorique, passion politique, haine, colère, soumission, insoumission, ambiguïté, courage, conscience, lucidité, résistance, droits de l’homme, conflit civique, espace méditerranéen, espace public, espace public oppositionnel, démocratie radicale, Castoriadis, Arendt, Balibar, Guillaumin, Favret-Saada, Chemillier-Gendreau, Rawls, Mezzadra, Ivekovic, UE, Maroc, UOM.