1. Analyse de la situation des sans-papiers
Le phénomène des Sans papiers se développe sur le terreau de la pauvreté et de la misère sévissant dans la plus grande partie du monde, et qui contraint un nombre croissant de personnes à quitter leur pays pour garantir leur existence et celle de leurs familles. Les politiques migratoires de fermeture des pays riches aggravent naturellement le phénomène. On ne saurait aussi passer sous silence le fait que si le phénomène prend une pareille ampleur, c’est parce qu’il y a une demande d’un nombre très important d’employeurs peu scrupuleux pour exploiter ces personnes. Cette demande est d’ailleurs largement tolérée par les autorités, ce qui traduit bien la chaîne d’hypocrisie qui règne à ce sujet.
En y regardant de plus près, on constate aussi que les Sans papiers ne sont pas seulement des personnes venues en Suisse à la recherche d’un emploi et qui n’ont pas d’autorisation de séjour. Il s’agit aussi très souvent de personnes qui ont eu une autorisation de séjour mais qui l’ont perdue pour des raisons variées (qu’il n’est guère possible dans ce bref exposé de détailler) mais qui témoignent le plus souvent d’un excès de rigueur de la loi.
Une des caractéristiques de la vie des Sans papiers c’est l’extrême difficulté à faire reconnaître ses droits en raison des dangers auxquels une telle attitude exposerait les personnes concernées. Pourtant, les Sans papiers ne sont pas des sans droits.
2. Qu’avez-vous fait jusqu’ici pour les aider ?
La CSC étant une organisation syndicale faîtière, notre tâche a consisté principalement à faire des propositions de nature politique. La CSC a rendu public un document intitulé « Des solutions concrètes pour les sans-papiers » en septembre 2001 qui a contribué à alimenter le débat. Pour résumer, ce document ne prévoit pas une amnistie collective mais des solutions de régularisation différenciées pour divers groupes. Ce papier a été discuté notamment dans le cadre du comité politique de la Commission fédérale des étrangers (CFE).
Nous avons aussi thématisé la question des Sans-papiers lors du congrès de la CSC du 9 novembre 2001. Une résolution a été adoptée par les congressistes sous le titre suivant : « Des solutions concrètes généreuses pour les Sans-papiers ».
Nous avons aussi discuté de la question lors de journées de formation sur l’intégration des immigré-e-s destinées aux secrétaires syndicaux et à d’autres personnes intéressées des fédérations professionnelles affiliées à la CSC.
3. Solutions préconisée
Pour tenter d’avancer sur cette question, la CSC préconise de rechercher des solutions à partir des trois constats importants suivants :
- L’intérêt de la société et de l’économie
La Suisse a intérêt à une société faite non pas de tensions et de polarisation mais bien intégrée. Laisser pourrir et s’envenimer la situation des Sans papiers va diamétralement à l’encontre des intérêts de la société.
Sur le plan économique, un nombre important de Sans papiers favorise les intérêts à court terme et de certaines branches économiques au détriment des intérêts à long terme de l’ensemble de l’économie. Les Sans papiers sont aussi un obstacle au bon fonctionnement du marché du travail (notamment concurrence déloyale et faiblesse de la productivité, ce qui freine la croissance) - Une partie importante des Sans papiers, on l’a dit, le sont devenus en raison d’une législation excessivement dure ou inadaptée.
En mettant l’accent d’abord sur ce « groupe » pour des solutions de régularisation, il est plus facile de susciter la compréhension de la population, voire son soutien. - Il est possible, dès maintenant, de tirer un premier bilan de la politique du cas par cas basé sur la circulaire « pratique des autorités fédérales concernant la réglementation du séjour s’agissant de cas personnels d’extrême gravité »
Propositions concrètes
- Produire un papier qui approfondisse l’intérêt majeur que représente pour la société et les intérêts économiques à long terme de la Suisse des solutions de régularisation des Sans papiers.
- Revendiquer, dans ce cadre, une politique de migration qui, d’abord, ait l’intelligence d’utiliser le potentiel d’immigration qui est déjà en Suisse et qui, ensuite, ouvre un peu les portes aussi pour des personnes qui ne sont pas forcément très qualifiées. En contrepartie, les employeurs doivent prendre l’engagement de l’intégration et de la formation de ces personnes.
- Le projet de nouvelle loi sur les étrangers prévoit des dispositions qui pourraient faciliter la régularisation d’un certain nombre de Sans papiers. Voir l’article 30 dérogation aux conditions d’admission, en particulier lettre d. (protection des personnes particulièrement menacées d’être exploitées dans l’exercice de leur activité), lettre e. (réglementation du séjour de victimes de la traite d’êtres humains), lettre h. (pour faciliter la réadmission en Suisse d’étrangers qui ont été titulaires d’une autorisation de séjour ou d’établissement). Il faudra exploiter au mieux cet article.
- De plus, il faut essayer de donner une marge de manoeuvre supplémentaire en inscrivant dans la loi une disposition qui permette de régulariser certains groupes de personnes dépourvues d’une autorisation de séjour.
- Un problème c’est que la nouvelle loi n’entrera vraisemblablement pas en vigueur avant début 2005 (élections fédérales obligent !)
- Préparer un dossier pour montrer les graves lacunes de la politique du cas par cas (absence de critères clairs, pratiques très diverses des cantons, coût administratif et charge de travail hors de proportion etc.)
Parallèlement, il vaut la peine de faire un travail sur le fait que les Sans papiers ne sont pas des sans droits afin qu’ils puissent mieux les faire valoir. Mais j’en conviens : dans la situation actuelle, cela est très difficile.
Denis Torche, responsable CSC de la politique des étrangers/ères