Balthasar a raison de vouloir ouvrir le débat à l’intérieur des partis de gauche. Le manque de réponses courageuses et constructives de la part de la gauche a donné tout l’espace politique à d’autres partis, ce qui nous a amené entre autres aux nouvelles lois votées en 2006. La peur de l’étranger distillée par les partis xénophobes s’est transformée en peur de l’UDC de la part des autres partis, ce qui paralyse tout contreprojet d’ouverture. C’est le moment pour les partis de la gauche parlementaire de retrouver les valeurs dont ils se sentent porteurs.
Mais le paysage politique suisse n’est pas composé uniquement de la gauche parlementaire. Les mouvements de citoyens sont une composante essentielle et indispensable à toute démocratie et ils doivent être entendus. En Suisse ils existent, plus ou moins importants, dans tous les cantons, dans le domaine de la migration comme dans d’autres domaines.
Dans le canton de Vaud, le mouvement de résistance qui s’est créé ces dernières années a été l’élément déclencheur d’une prise de conscience de la part des parlementaires vaudois, de gauche comme de droite, et d’une action commune pour aboutir à la régularisation des fameux « 523 », condamné-es à l’expulsion.
Ce contrepouvoir constitué des mouvements citoyens doit se renforcer et faire entendre sa voix, ce que nous allons faire pendant cette semaine des migrant-es.
La proposition de Balthasar est une proposition de realpolitik, de la politique du possible. Nous voulons aller plus loin. Nous demandons une politique qui ne prenne pas en compte uniquement les exigences économiques de la Suisse mais aussi la solidarité internationale, les droits humains et universels, le respect des conventions que la Suisse a ratifié et la ratification de celles qu’elle n’a toujours pas ratifié, comme celle de la protection des travailleurs migrants.
La migration est une réalité et rien ne pourra la stopper si les rapports entre Nord et Sud restent tels qu’ils sont, des rapports d’exploitations des pays pauvres de la part des pays riches, avec l’économie globalisée comme gestionnaire du monde. S’ajoute à cet état de choses les guerres –qui n’en sont pas indépendantes- les violences et les violations des droits humains dans un grand nombre de pays. Toutes ces raisons font que les personnes qui dans leur pays souffrent de la faim de pain ou de la faim de liberté vont continuer à aller chercher un autre futur ailleurs. Comme les ancêtres des suisses d’aujourd’hui ont fait par le passé. Accepter cette réalité c’est faire aussi de la realpolitik et en finir avec la construction de frontières qui ne pourront jamais stopper le flux de personnes à la recherche d’un futur digne de tout être humain.
Continuer avec une politique de répression c’est aller contre le mur.
Le nombre de sans papiers et de personnes débouté-es de l’asile vivant dans la peur et sans droits sur le territoire suisse est une honte. Le racisme et la discrimination dans les lois comme dans l’administration, sont les éléments visibles de cette situation et c’est le signe d’un pays qui ne va pas bien.
La suisse doit reconnaître qu’elle a besoin de la population migrante et non seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan démographique. L’augmentation salutaire des naissances en Suisse est due aux familles venues d’ailleurs et sur le plan économique ce ne sont pas les finlandais ou les belges qui viennent faire les travaux que personne d’autre ne veut : ce sont des ressortissants de pays exclus de la migration.
Pour que cette réalité devienne un élément essentiel de la politique gouvernementale il faut qu’elle soit de plus en plus visible. Que tous les employeurs de sans papiers sortent de l’ombre, que les sans papiers eux-mêmes entament une grève, même d’un seul jour, et la Suisse s’arrête. Et qu’on dise clairement que les débouté-es de l’asile sont des personnes qu’on ne peut pas renvoyer et qu’elles auront un travail, si l’interdiction de travailler tombe.
Il ne faudrait donc pas grande chose pour faire changer la politique migratoire, juste du courage, le courage de dire non. Le courage de créer un mouvement national de résistance à une politique qui renferme de plus en plus ce pays et qui oblige les migrants à un travail clandestin, mettant toutes les normes sociales du travail en danger. C’est le contrepouvoir que je souhaite, en lien avec des mouvements allant dans le même sens dans le reste de l’Europe.
Cet appel à la résistance j’espère que les partis de la gauche parlementaire seront capables de l’entendre.
Graziella de Coulon, Coordination Asile Vaud