Karin Keller Sutter a profité de sa rencontre avec les ministres de l'UE en France pour faire monter la température contre le référendum sur Frontex.
"Un non au référendum signifierait une sortie presque inéluctable de la Suisse de Schengen-Dublin", peut-on lire dans un article sur le site de la RTS. Plus loin, on peut lire que la sortie n'est plus que "quasi" inéluctable. Qu'est-ce qui est donc vrai et que signifie le vague "quasi" ?
La conseillère fédérale joue sur les mots et détourne ainsi l'attention du sujet principal. Ce référendum porte sur le rejet de la décision du Parlement d'augmenter le soutien financier et en personnel de Frontex - et ce en référence à la violation systématique des droits fondamentaux des personnes exilées et à une véritable guerre contre la migration à laquelle Frontex contribue de manière importante avec de l'argent, du personnel et du matériel de guerre. Karin Keller-Sutter s'en détourne et joue immédiatement la carte Schengen. Mais elle se déplace sur un terrain instable, car une chose semble claire : même si le référendum passe, cela ne signifie pas automatiquement la fin de la collaboration de la Suisse avec Schengen. Aucun·e des expert·es que nous avons interrogé·es n'a dessiné le scénario d'une sortie inéluctable de Schengen-Dublin si le référendum devait aboutir.
La majorité des votant·es s'est toujours prononcée en faveur de la libre circulation des personnes. A juste titre : la libre circulation des personnes est une victoire. Il est grand temps qu'elle ne s'applique pas seulement aux personnes vivant dans l'espace Schengen, mais à tou·tes. Le non à ce projet ne remet en aucun cas en question la libre circulation des personnes.
Même si la sortie de Schengen n'est pas inéluctable, Karin Keller-Sutter a de bonnes raisons de brandir ce scénario comme une menace centrale. Il lui permet de détourner l'attention du véritable sujet qui échauffe les esprits : les nombreuses et fréquentes violations des droits humains dues à l'implication directe ou indirecte de Frontex, qui ont lieu depuis des années au vu et au su de son administration. Keller-Sutter torpille ainsi un référendum qui a l'énorme avantage de mettre enfin en lumière les sombres agissements de l'agence européenne de surveillance des frontières et d'agir directement et efficacement contre la croissance exponentielle de Frontex et donc contre le réarmement aux frontières extérieures de Schengen.
Foto: Manu Friedrich