Sécurité et migration: chapitre 492

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Dessin d'un buste sans tête de policier devant une barrière en métal

Deux motions ont pour but de «protéger la population ». Elles proviennent de l’UDC (24.3716) et des Verts’libéraux (25.3105). Les deux propositions ne sont ni les premières, ni les dernières d’une longue série de mesures coup de poing, difficilement, voire pas applicables, mais aussi superflues et inopérantes quant à une éventuelle amélioration du niveau de sécurité.

 

Incarcérer à tout prix

La motion de la sénarice vert’libérale Tiana Angelina Moser demande que les mesures de contraintes prévues par le droit des étrangers soient plus facilement appliquées. Le but de la mesure serait de faire baisser la criminalité et améliorer la sécurité publique. Le Conseil fédéral propose d’accepter la motion.

 

Le texte, outre qu’il favorise l’amalgame entre personnes sans statut de séjour et activités criminelles, propose une fausse solution. Les mesures de contraintes consistent presque toutes en des formes de détention. Elles peuvent être appliquées à des personnes uniquement parce qu’elles devraient être expulsées de Suisse. Elles le sont par exemple quand il y a lieu de croire que la personne risque de disparaître avant son expulsion, quand la police veut éviter de débarquer tôt le matin dans les logements, mais parfois aussi pour dissuader les personnes de rester en Suisse.

 

La motion Moser veut donc faire détenir administrativement des « multirécidivistes », c’est-à-dire des personnes ayant commis un délit à plusieurs reprises, qui ne serait toutefois pas jugé suffisant pour justifier une incarcération au niveau pénal, puisqu’il faudrait, pour emprisonner, passer par une mesure de contrainte. Cette proposition est hautement problématique, puisqu’elle permettrait, légalement, d’appliquer un droit plus dur pour les personnes sans statut de séjour légal.

 

C’est problématique mais ce n’est pas nouveau. Une importante recherche du collectif WAV a déjà démontré que le système pénal punit la pauvreté. Les prisons en Suisse sont remplies à plus de 50% par des personnes qui y sont parce qu’elles ne peuvent pas se permettre de payer une peine pécunière. En outre, 20% des personnes détenues le sont pour une infraction à la loi sur les étrangers. C’est-à-dire un délit dont les personnes suisses ne peuvent pas se rendre coupable. À garder en tête lorsque l’on parle de la surreprésentation étrangère dans les prisons. L’explication à la surreprésentation des personnes étrangères dans les statistiques criminelles suit une logique similaire. Vous en trouverez les détails dans un article du criminologue André Kuhn pour asile.ch.

 

La motion Moser propose en soi une escalade pénitentière, mais ne propose aucune solution qui permettrait véritablement de lutter contre la criminalité et pour la sécurité.

 

Réduire (encore) le droit d’asile

Il en va de même pour la motion, encore plus dure, de Pirmin Schwander. Ce dernier demande que les personnes en procédure d’asile ou ayant obtenu une protection soient exclues du droit d’asile si elles ont commis. Or, ces dispositions existent déjà dans le droit suisse. L’article 53 de la LAsi permet de retirer la qualité de réfugié aux personnes qui en sont indignes en raison d’actes répréhensibles, portent atteinte à la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse ou sont sous le coup d’une décision d’expulsion pénale. Le Conseil fédéral a donc recommandé de refuser la motion. Que la proposition soit superflue et inapplicable ne garantit pas qu’elle ne sera pas acceptée par les sénateur·ices.

 

Toujours les mêmes fausses solutions

Ce n’est pas la première fois que l’UDC propose de réduire le droit d’asile pour lutter contre la criminalité. Les idées du psychiatre Frank Urbaniok, qui propose d’appliquer des quotas d’asile aux pays montrant une forte statistique criminelle, sont en passe d’être débattues au Parlement. Et la procédure d’asile en 24h pour les requérants d’asile en provenance du Maghreb était une réponse du ministre socialiste Beat Jans, qui semblait être une réponse à la pression mise par l’extrême droite. Or, cette réduction du droit d’asile n’a montré aucun effet permettant de valider l’efficacité de la mesure.

 

Ces deux motions, comme tant d’autres dans le débat sur le droit d’asile partent du postulat que les problèmes de sécurité seraient « liés à la présence sur [le] territoire de clandestins, de personnes n’ayant aucune chance d’obtenir l’asile ou de requérants déboutés», et ne semblent vouées qu’à nourrir ce narratif.

 

Il serait pourtant dangereux de ne pas prendre au sérieux les peurs sur lesquelles capitalisent les partis populistes. Nous vivons une époque effrayante. Les droits sociaux s’amenuisent, la précarité augmente, le droit du travail est menacé, le système de santé est à bout de souffle. La sécurité est un thème qui devrait lui aussi être défendu par la gauche. Par contre, il s’agirait de ne pas se contenter de solutions à l’emporte-pièce et de mesures symboliques impressionnantes à court-terme.

 

Il est important également de se demander sérieusement: de quelle sécurité est-il question? Comment parler de sécurité alors qu’il y a à peine une semaine un homme noir mourrait à nouveau sous la responsabilité de la police, pourtant censée protéger la population? Comment parler de sécurité alors que l’on rapporte quatre décès en 30 jours dans un établissement de détention administrative et que les suicides et tentatives de suicide sont légion dans les Centres fédéraux d’asile? Comment parler de sécurité alors que les associations de défenses des victimes de violence domestique sont continuellement sous-financées?

 

Il faut considérer la sécurité comme une question sociale et un droit qui doit être garanti pour tout le monde. Et rappeler, encore et encore, que les inégalités sociales et la précarité sont les premières causes de la criminalité et de la violence. C’est seulement en agissant sur ces leviers que toute la population pourra se sentir en sécurité.