La droite anti-immigration confond manifestement le Parlement avec un mur Facebook ou un compte twitter. Et ça fonctionne. Les médias reprennent allègrement les objets qu’elle propose plus pour nourrir un discours que pour envisager de véritables solutions. Un exemple ? L’interpellation de Damian Müller qui demande plus de centres pour requérant·es d’asile « récalcitrant·es ».
C’est une opération de comm' réussie : le 24h, la Tribune de Genève et Zentralplus.ch ont parlé de l’interpellation Müller. Le but : jeter encore une fois le discrédit sur les requérant·es d’asile, qui seraient tous des criminel·les en puissance. Ne proposer comme solution que plus de répression. Et surtout faire un raccourci malhonnête entre nationalité étrangère et criminalité. Cette fois, après les Érythréen·nes, ce sont les requérants d’asile en provenance du Maghreb qui en font les frais.
On est habitué·es aux gesticulations xénophobes de l’UDC et du PLR, mais on remarque leur talent de communication quand on se rend compte que des élu·es de gauche reprennent ce discours à leur compte. Cette semaine, Beat Jans annonçait depuis Chiasso qu’il entendait serrer la vis envers les requérant·es d’asile en provenance du Maghreb.
Il est évident que la situation des centres d’asile fédéraux est préoccupante. Ce sont des lieux où règne la violence. N’oublions pas que cette violence est largement subie par les personnes requérantes d’asile elles-mêmes. Une étude romande montrait en 2023 que dans les trois centres de Vallorbe, Giffers et Boudry avaient lieu en moyenne 1 à 4 tentatives de suicide ou d’auto-mutilation par semaine. Cette même étude montre encore que le personnel présente un risque élevé de burn-out ou de fatigue compassionnelle. Autre point que M. Müller devrait prendre en compte : à Boudry il y a(vait) 12 personnes dans l’équipe sanitaire contre 130 dans celle de la sécurité.
C’est ce problème qu’il faut résoudre avant d’investir dans la mise en place d’un nouveau centre au caractère encore plus carcéral que les autres, pour une minorité de personnes qui commettent crimes et délits.
Concernant les requérant·es d’asile d’Afrique du Nord, bien qu’il soit vrai que la probabilité qu’iels obtiennent l’asile ou une protection est basse, il s’agit de respecter les principes de l’État de droit et de s’astreindre à l’obligation d’étudier correctement et soigneusement leurs demandes d’asile. Chaque histoire de migration est différente, et ce n’est qu’en les écoutant attentivement qu’on les comprend.
Et au-delà de cela, il faut réfléchir à d’autres alternatives. Comme l’écrivait la Freiplatzaktion Basel plus tôt cette semaine dans une lettre ouverte à Beat Jans : «[Les jeunes hommes originaires du Maghreb] n'arrivent pas en Europe avec l'intention de déposer une demande d'asile, mais ils essaient tout simplement de faire autre chose de leur vie que de ne rien faire du tout. Pour cela, ils se mettent en mouvement et revendiquent finalement la seule possibilité d'arriver que l'Europe et le système 'd'asile européen' autorise encore pro forma : déposer une demande d'asile. Bien sûr, pour la plupart d'entre eux, ce n'est pas la bonne solution, tout le monde le sait. Mais tant qu'il n'existe pas d'alternative, vous pouvez frapper aussi fort que vous le voulez sur ce groupe de personnes, cela n'aura jamais l'effet (dissuasif) que vous prônez. »
Plus seront décidées des mesures qui s’éloignent de la liberté de mouvement, moins elles auront de chances de succès. Elles s’appliqueront mal, violemment, inefficacement et souvent au mépris du droit.
Plutôt que de brasser de l’air avec des annonces populistes, il serait plus judicieux de remuer ses méninges et de proposer des solutions crédibles à des problèmes réels.