Berne, 13 novembre 2017
Communiqué de presse: groupe de contacte pour la Méditerranée centrale
A l’invitation de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, les ministres de l’intérieur de France, d’Italie, d’Allemagne, de Suisse et d’autres Etats européens ainsi que d’Afrique du Nord se rencontrent à Berne le 13 novembre 2017.
Les morts en Méditerranée ne surviennent pas dans un vide politique
Ce sont les politiques de dissuasion de l’Union européenne qui sont meurtrières, pas la mer en elle-même. « Pour comprendre le contexte actuel en Méditerranée, il est important de revenir sur l’opération Mare Nostrum, lancée en octobre 2013 et de se souvenir de sa dissolution abrupte en automne 2014 » souligne Charles Heller, chercheur de l’université de Goldsmiths à Londres. L’Union européenne a mis fin aux opérations de recherche et sauvetage sous prétexte que cela constituait un facteur d’attraction des migrants. En vérité, l’annulation de l’opération a résulté en une augmentation de morts en mer, comme de nombreux acteurs l’avaient prédit. Les politiques migratoires européennes forcent toujours plus de personnes à prendre des routes dangereuses voire mortelles, en réduisant les possibilités d’emprunter une route légale et sûre.
Conditions de détention inhumaines en Libye pour les migrants
Les personnes qui choisissent la voie dangereuse de la mer pour chercher refuge en Europe le font seulement en cas d’extrême nécessité. C’est pourquoi la stratégie des États européens de soutenir et de former les garde-côtes libyens constitue une vision politique cynique et de très court terme. Les conditions de détention inhumaines pour les migrants en Libye ont été documentées et sont connues depuis longtemps : « Renvoyer des personnes dans un contexte où elles vont être exposées à des traitements dégradants et inhumains, à la torture et aux violences sexuelles constitue en soi une violation des droits humains » affirme Caroline Abu-Sada, la directrice de SOS Méditerranée Suisse. La voie maritime est toujours empruntée alors que les mesures en place la rendent toujours plus dangereuse et que les restrictions sur les activités des ONGs augmentent, « il est impératif d’augmenter les opérations de sauvetage en mer et de cesser de criminaliser les ONGs engagées dans celles-ci tant que les gens n’ont pas d’autres options que la voie de la mer pour fuir. ». La proportion de morts en mer par rapport au nombre d’arrivées en Italie a d’ailleurs augmenté en 2017.
Père Mussie Zerai : les campagnes de diffamations doivent cesser
Le père Mussie Zerai s’engage depuis des années pour les réfugiés en situation de détresse en mer. Ils leur donnent leur position GPS et lui essaie d’organiser de l’aide. La criminalisation croissante l’affecte de façon personnelle. En effet, le procureur de Trapani en Sicile a ouvert une enquête judiciaire contre lui. Mussie Zerai : « Il s’agit d’une véritable campagne de diffamation. Depuis quelques mois on fait face à une campagne politique et médiatique contre toutes les ONGs qui se montrent solidaires envers les réfugiés et migrants ». Il souligne qu’aujourd’hui beaucoup de gens se trouvent dans un ‘no man’s land’ ou dans des camps de détention en Libye. « L’Europe doit radicalement changer la façon dont elle traite les personnes en quête de protection ».
Responsabilité de la Suisse et de l'Europe
La situation actuelle des migrants en Afrique du Nord est grave et les pays occidentaux en sont responsables. La Suisse n'est pas en reste : en défendant ses multinationales qui continuent de piller les pays africains – comme l'ont encore récemment révélé les Paradise Papers -, elle est co-responsable de la fuite de centaines de milliers de personnes. En soutenant la politique européenne d'externalisation et de sécurisation à outrance des frontières, elle contribue à la situation dramatique en Libye et à la violation des droits des migrants. Pour Sophie Guignard, co-présidente de Solidarité sans frontières, « la rencontre du groupe de contact de la Méditerranée centrale n’est pas une occasion pour la Suisse de faire honneur à sa tradition humanitaire ». Elle ajoute, « une véritable remise en question est nécessaire, tant sur le plan de la politique migratoire de délégation du 'sale boulot' aux pays proches des frontières de l'Europe que sur le plan de la politique néocoloniale qui sous-tend tous les rapports entre la Suisse et les pays africains. ».
Revendications de Solidarité sans frontières :
- La mise en place par les États européens de passages sûrs et des voies légales de migration pour toutes et tous.
- L’arrêt immédiat et total du soutien financier, institutionnel et matériel aux garde-côtes libyens qui ramènent les personnes en Libye où elles sont exposées à des violations graves de leurs droits fondamentaux ainsi que de la mise en place de mesures de protection adéquates en Libye.
- Un arrêt de la criminalisation des opérations de sauvetage en mer. Il est nécessaire de continuer à prêter assistance à tout bateau en mer qui se trouve en situation de détresse.
- La contribution de manière significative à la protection des migrants et migrantes se trouvant sur son territoire par le gouvernement suisse et plus particulièrement par le Secrétariat d’État aux migrations. Il est impératif que ceux-ci écoutent la société civile suisse qui dénonce depuis des années, entre autres, l’application impitoyable du règlement Dublin.