Ses défenseurs se prétendent neutres: ni de gauche, ni de droite, ni racistes. Ils et elles seraient motivé-e-s uniquement par la volonté de protéger l'environnement. Pourtant, une analyse de l'histoire et des arguments d'Ecopop ne peut que nous conduire à rejeter cette initiative le 30 novembre prochain.
«La pollution de notre pays serait moindre si nous n'avions pas d'étrangers ». Ainsi s'exprimait, dans les années 70, Valentin Oehen, membre de l'ASIN et des Démocrates Suisses (à l'époque «Action Nationale»), longtemps vice-président de l'association Ecopop. Si dans les années 80, celle-ci prend ses distances avec la réthorique d'extrême-droite, l'idée de base demeure: lutter contre l'«explosion démographique» en limitant drastiquement l'immigration, pour protéger la nature et les paysages des Suissesses et des Suisses.
Longtemps oubliée et marginalisée, l'association Ecopop revient aujourd'hui sur le devant de la scène avec son initiative «Halte à la surpopulation - oui à la préservation durable des ressources naturelles». On retrouve dans cette initiative la double origine idéologique d'Ecopop: néo-malthusienne (la «surpopulation» comme menace pour l'humanité) et xénophobe (la «surpopulation étrangère» comme responsable de tous les maux). Mais laissons un instant l'histoire de côté, et intéressons-nous à l'argumentation des initiants.
On se rend compte d'emblée que l'argument écologique censé justifier la limitation extrême de l'immigration n'est qu'un prétexte. En effet, alors qu'on pourrait légitimement attendre d'une initiative prétendant résoudre les problèmes environnementaux qu'elle parle (au moins un peu) d'environnement - par exemple d'aménagement du territoire, de réduction des émissions de CO2 ou de limitation du pouvoir des promoteurs immobilier - et bien Ecopop n'en fait rien. Pas une seule mesure environnementale concrète n'est proposée. Pas un mot non plus sur les principaux responsables de la destruction de l'environnement: les grosses entreprises et les multinationales qui pillent et polluent la planète en toute impunité! Plutôt que de dénoncer cela et d'en tirer les conséquences logiques, Ecopop préfère faire porter le chapeau aux migrant-e-s et propose de limiter le solde migratoire annuel à 0.2% de la population résidente.
De la même manière, l'argument «humanitaire» de l'initiative, qui correspond à son axe «aide au développement», ne résiste pas à l'analyse. Ce que souhaite Ecopop, c'est que la Suisse contribue à la lutte contre la pauvreté en limitant la croissance de la population dans les pays du Sud et qu'elle le fasse en consacrant 10 pour-cent du montant de la coopération au développement au planning familial. Seulement voilà, distribuer des moyens de contraception dans un but de contrôle de la population et des naissances, ce n'est pas, quoi qu'en disent les pseudo-féministes d'Ecopop, du planning familial «volontaire», ça ne contribue pas à la libération des femmes et ça ne résoud en rien le problème de la pauvreté . En réalité, il s'agit d'une ingérence inacceptable dans la politique de natalité de pays souverains et dans la vie privée de milliers de femmes, ingérence digne des politiques de natalité imposées par les pays européens à leurs colonies il y a quelques décennies.
Comme Malthus qui, à la veille du 19e siècle, voulait supprimer la pauvreté en supprimant les pauvres, Ecopop veut éliminer les potentiel-le-s migrant-e-s avant leur naissance. Comme Schwarzenbach qui, dans les années 60-70, faisait des étrangers-ères les responsables des problèmes sociaux, Ecopop fait des immigré-e-s les coupables des problèmes environnementaux. Mais il ne faut pas se leurrer. La seule conséquence de cette initiative mensongère, si elle était acceptée, serait des travailleurs-euses migrant-e-s avec encore moins de droits, des conditions de travail encore plus précaires et des salaires encore plus bas. Rien de fondamentalement nouveau donc, car quand il s'agit de diviser et de précariser les travailleurs-euses, attiser la haine de l'étranger reste la recette qui marche le mieux.
> Auteur: Amanda Ioset
> Texte publié dans le journal Gauchebdo