Encore un jeune Corps Noir supplicié dangereusement !
Le 28 février 2018, Mike, un ressortissant nigérian de 40 ans et père de famille, trouve la mort suite à des violences policières extrêmes. Interpellé en ville de Lausanne par des policiers le soupçonnant d’être un trafiquant de drogue sur la seule base du profilage racial. Ayant osé émettre une protestation, il s’est aussitôt retrouvé plaqué violemment au sol et immobilisé de longues minutes. Des témoignages recueillis par des journalistes (20 Minutes, 1.03.2018) font état de longs cris et gémissements de douleur entendus avant de rendre l’âme. La police cherchera à masquer sa forfaiture avec une thèse d’intoxication par overdose, affirmant «preuves» à l’appui avoir trouvé des boulettes de cocaïne dans sa bouche. Mais le rapport d’autopsie sera formel : il n’y avait aucune trace de drogue dans le corps. Le Nigérian était bien mort supplicié. Ce n’était pas le premier corps Noir détruit par la police suisse (1).
Le 24 mai 2019, le même scénario a failli se reproduire, cette fois à Bâle, à un jeune Suisse Noir d’origine afro-colombienne. Selon le journal 20 Minuten.ch (29.05.2019), Jefferson MOSQUERA, 19 ans, circulait paisiblement sur un skateboard dans la vieille-ville de Bâle. Une patrouille policière l’interpelle pour contrôle d’identité. Le jeune possède ses papiers sur lui. Il est en règle. Pendant que ses papiers sont examinés, l’envie de fumer le pousse à allumer une cigarette. Le policier la lui arrache sans respect. Pour avoir protesté contre cette surprenante interdiction, il se retrouve aussitôt plaqué au sol, et menotté. Bien qu’il n’oppose aucune résistance, le policier appelle du renfort. Un témoin qui a assisté à toute la scène raconte : « Lorsque le jeune était plaqué au sol, quatre autres policiers sont arrivés en renfort. Ils l’ont pressé contre le sol avec leurs genoux sur son dos et sur sa nuque. Il a crié de douleur qu’il n’arrivait plus à respirer. Je suis intervenu et demandé qu’a-t-il fait ? La police m’a ordonné de m’éloigner. A la fin, 15 policiers étaient sur place et ils l’ont emmené menotté. C’était totalement exagéré. » Et comme si cela ne suffisait pas, alors qu’ils sont quinze policiers contre à un homme déjà maîtrisé, les brutalités continuent, comme le relate le jeune Noir : « Lorsqu’ils ont voulu m’embarquer, ils m'ont poussé si violemment contre la voiture qu'une de mes dents s'est cassée. Je voulais simplement savoir pourquoi je devais être embarqué. Ils ne m’ont donné aucune raison.» Comme cela arrive désormais systématiquement, et sans doute parce que l’interpelé les a accusé de le contrôler « à cause de la couleur de sa peau », les policiers incriminés ont pris les devants en portant plainte aussitôt contre le jeune Noir accusé de « violence et menace à l'encontre des autorités et des fonctionnaires ». Jefferson MOSQUERA a aussi porté plainte contre eux.
De ce qui précède,
Le CRAN tient d’abord à féliciter le jeune Jefferson MOSQUERA pour avoir survécu à des brutalités policières potentiellement meurtrières. Le CRAN rend également hommage à la solidarité active de citoyens suisses témoins de ces délits de faciès avec violences policières. Par leurs témoignages dans les médias, ils contribuent à donner écho et crédit à des violences anti-Noirs peu dénoncées dans l’opinion publique.
Le CRAN condamne avec la plus grande énergie cette perpétuation par la police de pratiques visant spécifiquement les Noirs et consistant à les harceler et à les stigmatiser dans l’espace public (par des interpellations selon un profilage racial), à mettre en danger leur vie (par des placages au sol comprimant la poitrine jusqu’à suffocation), ou à s’auto-disculper préventivement (en portant plainte contre leurs victimes).
Le CRAN invite les autorités suisses, en particulier bâloises, à accorder aux vies Noires une considération autre que misérabiliste (par des « aides au développement » fort médiatisées). Leurs agents de l’ordre ne devraient pas être encouragés à considérer comme un acte de bravoure par excellence faire du corps Noir un objet destructible à volonté et en toute impunité (2). Ces pratiques indignes d’un Etat de droit perpétuent contre le Noir le déni de sa Dignité humaine fondamentalement ancré dans les Codes Noirs élaborés durant l’esclavage et la colonisation (auxquels bien de Suisses ont participés) pour légitimer sa déshumanisation.
Le CRAN rappelle aux représentants officiels colombiens et africains (ambassadeurs accrédités à Berne et/ou auprès des institutions internationales à Genève) que la Décennie 2015-2014 dédiée par l’ONU aux Afro-Descendants leur recommande de veiller à ce que plus de considération et de justice soient reconnues à ces derniers. Un plaidoyer dans ce sens auprès de la Confédération est vivement encouragé. Le CRAN invite également les autorités onusiennes en charge des droits de l’homme à diligenter auprès de la Suisse le même plaidoyer en faveur du respect de la Dignité humaine des Noirs, en vertu de ses engagements internationaux.
Fait à Berne, le 24 juin 2019
Pour le Conseil de gestion du CRAN,
Les Porte-paroles :
Félicienne Villoz-Muamba, Présidente (079 718 86 65)
André Loembe, Vice-Président (079 345 08 52)
(1) Outre Mike, le Nigérian, on compte plusieurs Noirs morts entre les mains de la police suisse, sans compter de très nombreux blessés, personnes rendues infirmes, etc. suite aux brutalités policières :
- Le 24 octobre 2017, un jeune ressortissant gambien de 23 ans, interpellé sur la base du profilage racial, en étant pris pour un autre qui était recherché, meurt dans les locaux de la police à Lausanne.
- Le 6 novembre 2016, à Bex, dans le canton de Vaud également, deux patrouilles de police venues neutraliser un jeune Noir citoyen suisse, qui les menaçait avec un couteau de cuisine le criblent de plusieurs balles.
- Le 17 mars 2010, à l’aéroport de Zürich-Kloten, un requérant d’asile Nigérian trouve la mort avant son refoulement, pendant que des policiers essaient de le maîtriser au sol, menotté et entravé aux pieds.
- Le 16 mars 2008, un Sierra-Leonais de 26 ans, frappé de « Non-Entrée en matière » pour sa demande d’asile, meurt dans les locaux de la Gendarmerie du Sentier, à Yverdon, dans le canton de Vaud.
- Le 25 août 2007, une Guinéenne de 25 ans, est retrouvée morte au pied de son immeuble, à Genève. Des policiers ayant fait irruption à 3 h du matin dans son appartement, sans mandat d’arrêt ni de perquisition, prétendent qu’elle s’est jetée de son balcon, au 4ème étage, à leur arrivée. Mais le corps ne présente de trace d’écrasement au sol.
- Le 1er septembre 2004, alors qu’il était emprisonné depuis sept jours, un requérant d’asile nigérian de 17 ans, incarcéré à la suite d’une rafle de la police dans un centre de requérants d’asile à Lugano, est retrouvé pendu au moyen d’un drap, aux barreaux de sa cellule, dans la prison de district de Bellinzone, en Suisse italienne.
- Le 12 février 2003, meurt un requérant d’asile originaire du Nigéria, laissé plusieurs jours sans soins, selon des témoins, au centre pour requérants Thurof à Oberbüren, dans le canton de Saint-Gall.
- Le 1er mai 2001, un jeune Nigérian de 27 ans, meurt par étouffement au Centre de refoulement de Granges, en Valais, lors d’une tentative de renvoi forcé extrêmement musclé.
(2)En 2007, un rapport interne de la police vaudoise a ainsi cité les témoignages sous anonymat de policiers et expoliciers sur la réalité des violences racistes ciblant les Noirs et pleinement assumées par des policiers qui en faisaient parfois un objet de divertissement, comme au bon vieux temps de l’esclavage ou des colonies : « Les Blacks se faisaient tabasser alors qu’ils n’avaient pas de drogue sur eux et qu’ils possédaient des papiers en règle. Nos rapports d’intervention faisaient état d’agressivité du suspect pour justifier les hématomes » (in Le Matin Dimanche, 30.9.2007)