Cher Monsieur le Conseiller fédéral Beat Jans

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Capture d'écran de freiplatzaktion-basel.ch

Vous êtes en fonction depuis 51 jours à peine et c'est déjà la deuxième fois que vous annoncez des durcissements dans le domaine de l'asile. Vous avez d'abord péroré au WEF à Davos sur les renvois forcés vers l'Irak, puis vous avez annoncé une palette de durcissements possibles pour aborder des problèmes soi-disant urgents dans le domaine de l'asile. Tamedia vous a cité en ces termes : "Ce n'est pas une politique de gauche que de détourner le regard face aux problèmes".

 C'est vrai, il y aurait effectivement tant de choses à faire. Vous pourriez pour une fois vous consacrer à l'assistance médicale catastrophique dans le domaine de l'asile en Suisse. Ou à la situation tout aussi catastrophique de l'hébergement. Ils pourraient revoir la planification urgente, qui a été mal conçue et a échoué. Ou repenser l'organisation de la loge du centre fédéral d'asile de Bâle ou la collaboration entre le SEM et Securitas SA en général. Et si vous vous engagiez à ce que les demandes d'asile de tou·tes les demandeur·ses d'asile afghan·es soient traitées au lieu d'être laissées en souffrance bien au-delà des délais de traitement propres au SEM ? À la rigueur, vous pourriez aussi vous engager pour la réintroduction des délais de recours de 30 jours dans les procédures d'asile matérielles. Ou encore, vous pourriez mettre en place une task force sur les modalités de mise en œuvre du régime d'asile européen commun (RAEC), une task force qui pourrait également prendre en compte les intérêts des demandeurs d'asile. Au hasard .

Ce sont tous des exemples de problèmes qu'une 'politique de gauche' pourrait aborder. Mais vous tombez malheureusement dans les mêmes travers que vos prédécesseur·ses. Iels reprennent la rhétorique (de droite) sur les abus en matière d'asile, reprennent les préoccupations sécuritaires et vantent les procédures de 24 ou 48 heures ainsi que d'autres durcissements comme remède à la réduction des cas en suspens. Et cèdent à la tentation de taper sur le groupe de personnes déjà exposé au mépris du grand public : les jeunes hommes originaires d'Afrique du Nord. Cette politique ne veut pas voir plus loin que le bout de son nez, elle est lassante parce qu'elle n'est absolument pas nouvelle, elle fait de l’oeil à la droite politique et ne s'occupe en outre pas des causes, mais tout au plus des symptômes.

 Bien sûr, il est tentant d'annoncer à chaque fois une action ferme contre toutes les demandes d'asile prétendument vouées à l'échec, afin de faire preuve de crédibilité et de détermination, surtout en début de mandat. Reste à savoir si toutes ces demandes sont effectivement vouées à l'échec... et personne ne peut en juger à l'avance. Mais ce qui est clair, c'est que le fait de traiter ces demandes encore plus rapidement qu'auparavant n'a pas l'effet que vous prônez. Vous n’avez peut-être pas directement posé la question aux personnes concernées (si vous le souhaitez, vous savez où se trouve notre centre de conseil), mais vous ne croyez certainement pas sérieusement que les jeunes hommes originaires du Maghreb que vous visez ne savent pas ce qui les attend en Europe et ce qu'il en est ici. Ces personnes sont de toute façon et partout traitées comme - pardon - de la 'merde'. Ils n'arrivent pas en Europe avec l'intention de déposer une demande d'asile, mais ils essaient tout simplement de faire autre chose de leur vie que de ne rien faire du tout. Pour cela, ils se mettent en mouvement et revendiquent finalement la seule possibilité d'arriver que l'Europe et le système 'd'asile européen' autorisent encore pro forma : déposer une demande d'asile. Bien sûr, pour la plupart d'entre eux, ce n'est pas la bonne solution, tout le monde le sait. Mais tant qu'il n'existe pas d'alternative, vous pouvez frapper aussi fort que vous le voulez sur ce groupe de personnes, cela n'aura jamais l'effet (dissuasif) que vous prônez. Cette constatation est aujourd'hui si ancienne et si banale que vous le savez vous-même.

 Par conséquent, si vous voulez combattre la criminalité que le système d'asile abrite, reproduit et engendre à nouveau, ainsi que les chocs externes, vous devez vous occuper de la mise en place et de la construction d'alternatives sérieuses qui offrent une perspective : des modèles d'admission alternatifs au système d'asile, des soutiens financiers individuels plus généreux, des modèles de marché du travail flexibles, une possible réduction de l'immigration hautement qualifiée, etc. Vous voyez, il existe effectivement d'autres pistes de réflexion 'de gauche' dont la mise en œuvre n'a jamais été sérieusement examinée jusqu'à présent.

 Nous maintenons nos attentes à l'égard des nouvelleaux élu·es à un niveau bas, suite à nos expériences passées. Nous sommes néanmoins très déçu·es de vos premières annonces et de vos premiers pas en tant que Conseiller fédéral. Compte tenu de votre histoire et de votre politique du personnel, nous espérions mieux. Mais ce qui n'est pas encore fait peut encore l'être, espérons-le.

Salutations amicales 
Freiplatzaktion Basel

 PS : Le Blick a titré sur votre déclaration : "Un centre de requérants d'asile n'est pas un centre d'hébergement d'urgence ! Cela vaut également dans l'autre sens, en référence à la pratique de la ville de Bâle depuis des décennies concernant les centres d'hébergement d'urgence, que vous connaissez certainement en tant qu'ancien président du gouvernement.


Sources:
SRF: https://www.srf.ch/news/schweiz/justizminister-in-chiasso-mit-diesen-massnahmen-will-jans-das-asylsystem-entlasten
Blick: https://www.blick.ch/politik/medienkonferenz-um-13-uhr-jans-will-asylschraube-anziehen-id19452604.html
Tamedia/Der Bund: https://www.derbund.ch/bundesrat-in-chiasso-beat-jans-kuendigt-asylplaene-an-512564809252